Lyre d’or en 2012 et 2014, Meilleur ouvrier de France, président des fromagers de la région Occitanie, chevalier de l’ordre du Mérite national agricole… Dominique Bouchait, artisan fromager à Montréjeau, collectionne les titres. Découverte en trois points des clés de la réussite !
Témoignage de Dominique Bouchait, artisan fromager à Montréjeau
1. Embarquer ses salariés sur la dynamique du succès
Dominique Bouchait : Après avoir gagné le titre de Meilleur ouvrier de France (Mof), j’ai souhaité montrer à mes salariés comment on gagnait des concours. Je leur ai dit : « C’est vous qui allez le faire. » Je les ai entraînés, coachés, on a travaillé ensemble. La première année, j’ai choisi Jennifer, une jeune salariée, la deuxième année, mon choix s’est porté sur Sylvie, une salariée plus expérimentée, pour montrer que le concours est accessible quel que soit l’âge. Même si cela a été plus difficile pour Sylvie qui, timide, ne se voyait pas « aller là-bas ». Aujourd’hui, elle se demande encore comment elle y est arrivée. Cela a changé beaucoup de choses dans sa vie, pour son plus grand plaisir, celui de sa famille et le mien.
J’ai confiance en mes employés : je n’ai pas besoin de mettre des rétroviseurs. D’ailleurs, je cherche à leur offrir le maximum, et c’est d’autant plus vrai en cette période de fêtes… S’il y a vingt ans je n’arrivais pas à embaucher, on me sollicite désormais en me disant qu’on aimerait bien travailler chez moi. Candidater chez un Mof a pu en rebuter certains, de peur que cela soit trop difficile, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui : la proximité que j’entretiens avec mes salariés, le travail que nous faisons ensemble convainquent.
2. Penser « équipe »
D.B. : Ma plus belle récompense : c’est mon équipe, une équipe soudée. J’aime être bien entouré. Mes employés ne disent pas « le chef est Mof », mais « on est Mof ». Avant que je sois Mof, on m’appelait Dominique. Maintenant on m’appelle « chef ». Au début, je ne savais pas trop quoi en faire de ce « chef »… mais ce chef-là rassure également mes employés. Lorsqu’une salariée me demande si son plateau est beau, ce n’est pas Dominique qui dit « oui », c’est le « chef » !
Nos réussites collectives sont plus importantes que le chiffre d’affaires. Par exemple, pour améliorer notre qualité de beurre, j’ai emmené deux de mes employées en montagne vendredi dernier : l’une fabrique du fromage et du beurre, l’autre fait des yaourts. Nous sommes montés à 1 600 mètres d’altitude à pied, en deux heures, pour aller voir des glacières – des trous de 10 mètres de profondeur et de 5 à 6 mètres de large – que des personnes font pour faire monter la crème dans le lait au printemps. Elles ont compris, une fois en bas, qu’on n’avait pas le droit de râler quand on fait son métier au chaud, alors que ces gens travaillent à de telles températures.
3. Penser, dire, faire
D.B. : Ma plus belle réussite, c’est bien d’avoir monté une équipe (et non pas mon entreprise). À un fromager qui souhaiterait s’installer, le seul conseil que je pourrais donner, c’est de ne pas s’écouter, mais apprendre à écouter les autres : être dans l’abnégation de soi.
Nous distribuons actuellement sur 54 points de vente, 14 camions tournent, dont un nouveau de 10 tonnes. Nous avons monté il y a deux ans un bar à fromages qui est régulièrement quasiment complet sur un à deux services, et nous allons en ouvrir bientôt un autre en Pays basque… J’ai un atout en main : c’est la rapidité à exécuter les choses. Je le pense, je le dis, je le fais.
Et demain ? J’aimerais bien monter une ferme pédagogique pour pouvoir expliquer aux gens pourquoi le lait est blanc, le beurre jaune, le fromage dur… J’espère que mon fils, qui travaille avec nous depuis deux ans, s’épanouira dans ce métier. Et par-dessus tout, je souhaite que l’affaire soit toujours en phase montante. Je crains toujours que demain soit dur. La vie est une parabole : on naît, on monte et puis c’est le déclin. Je voudrais que mon entreprise poursuive ce cheminement vers le haut… J’ai encore plein de fromages à créer !
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