La crise du beurre… tout le monde en parle. Mais qu’en est-il du côté des pâtissiers ? La pénurie qui touche les grandes et moyennes surfaces concerne-t-elle les pâtisseries ? La MAPA a enquêté auprès de ses sociétaires…
Baisse de production de lait, hausse de la demande mondiale de beurre (les exportations ont bondi de 46 % en Chine en 2016*)… et c’est l’envolée des cours du marché. Le prix du beurre aurait ainsi augmenté de 100 % sur un an. La pénurie a principalement touché la grande distribution en France, premier pays consommateur de beurre. Sans compter que, face à la crainte de la pénurie, les consommateurs en ont davantage acheté, notamment pour stocker. Le taux de rupture des stocks atteignait des records fin octobre. Les professionnels de l’alimentaire de proximité sont également concernés : le beurre étant la matière première de nombreux métiers tels les restaurateurs ou les pâtissiers.
Des professionnels responsables
Pour autant, le problème d’approvisionnement touche-t-il les pâtissiers ? « Non, répond clairement Pascal Bureau, pâtissier à Saint-Étienne. S’il manque du beurre dans les grandes surfaces, c’est parce qu’elles ne veulent pas acheter au prix… » En revanche, les professionnels subissent également de plein fouet la hausse des cours. Jean-François Pré, pâtissier à Brest, a constaté l’augmentation durant tous ces derniers mois. Il n’a toutefois décidé d’augmenter ses prix en conséquence que la semaine passée : « On est obligés de s’arranger avec les prix, mais de manière mesurée. Il ne faut pas, par exemple, augmenter le prix du croissant de 40 à 50 centimes : j’ai calculé que chez moi l’impact de la hausse du beurre sur un croissant ne représentait que 8 centimes. »
Les recettes font leurs preuves
À Niort (79), c’est le même constat à la pâtisserie de Laurent Cathala, président de la Fédération départementale des artisans pâtissiers des Deux-Sèvres. « On est confrontés à des difficultés de coût, mais pas d’approvisionnement, car contrairement aux grandes surfaces on accepte de payer le prix. » Le pâtissier avoue tout de même avoir un peu plus stocké par prudence tout en augmentant une partie de ses prix. « Je n’ai surtout pas changé de recette, précise-t-il. Le grand danger serait de descendre la qualité. Nous sommes avant tout des professionnels qui vendons ce que nous fabriquons, avec des produits locaux, de bonne facture. On troublerait notre image auprès des clients si on baissait de qualité. Et les premiers satisfaits seraient les grandes surfaces… »
Tandis que les industriels cherchent activement des produits de substitution au beurre afin de ne pas augmenter leurs prix, tous les artisans pâtissiers sont d’accord sur ce point : la qualité doit rester leur marque de fabrique. Julien de Sousa, pâtissier à Challans, explique : « On est artisans, on fabrique tout de A à Z : il faut continuer à travailler intelligemment, toujours bien sélectionner nos fournisseurs, et répercuter la hausse des prix. On est dans l’esprit du fait maison de qualité, donc on ne peut pas se permettre de tricher en coupant les recettes avec de la margarine, par exemple. C’est ce qui fait notre différence avec les grandes surfaces. »
Pascal Bureau a toutefois trouvé une astuce qu’il a lui-même testée : « Quand l’augmentation a été trop forte, j’ai ôté 10 % de beurre dans toutes mes recettes. Même moi, je n’ai pas vu la différence ! Pour certaines recettes, j’ai utilisé de la crème au lieu du beurre. On sait travailler, c’est l’avantage : je n’ai pas augmenté mes prix, mais j’ai travaillé différemment. »
Une clientèle compréhensive
Pourtant, la plupart s’accordent à dire que l’augmentation de prix semble être comprise par la clientèle, la forte médiatisation de la crise du beurre poussant celle-ci à s’inquiéter même pour leurs pâtissiers. Julien de Sousa explique : « L’avantage c’est que la crise est médiatisée : le consommateur est au courant… Nous n’avons pas à justifier la hausse des prix. Il ne faut pas oublier qu’en même temps la vanille a augmenté de 100 % en moins d’un an… Ce qui est énorme ! Il y a deux ans, le prix de la poudre d’amande avait enregistré une hausse s’élevant quasiment à 100 %. Aucun journal n’en avait parlé… et lorsque les macarons ont augmenté, les clients étaient surpris ! »
La bûche sera sur la table à Noël
Sont-ils inquiets pour les fêtes qui approchent ? Laurent Cathala répond avec humour : « Je suis plutôt inquiet d’avoir suffisamment de personnel ! » Pour Jean-François Pré, la question ne pose pas non plus de problème : « Pour les fêtes, alors que je paie actuellement le kilo de beurre à 8,60 euros, je choisis un beurre haut de gamme bio à 25 euros le kilo, que j’achète chez un producteur à quelques kilomètres de chez moi ! C’est un choix que j’ai fait depuis plusieurs années pour les produits de fin d’année. »
Et pour les mois qui suivront ? Là encore, les pâtissiers ne craignent ni pénurie ni hausse des cours. En Haute-Loire, Pascal Bureau constate déjà une baisse du prix dans sa région. Jean-François Pré conclut : « Je ne suis pas inquiet, les fournisseurs nous disent que juste après les galettes des rois le prix baissera… La preuve qu’il ne s’agit que de spéculation ! »
*Source : cabinet Agritel
Propos recueillis du 10 au 14 novembre 2017